“Se réjouir en couple – Entre fantasmes et réalités”Michel Bonhomme

Couple, amour et sexualités : la psycho-sexoanalyse

Ci-dessous des textes de Michel Bonhomme, à lire sur un ordi classique (le temps que je trouve comment les consulter via mobiles) (Ou si vous êtes pressés : https://mariannedejaham.wixsite.com/psycho-sexotherapie/textes-de-michel-bonhomme )

 

Dans le couple l’amour est à notre sens indissociable d’une sexualité réjouissante et épanouie.
L’expérience amoureuse fait appel aux trois espaces psychiques qui fondent notre rapport à l’autre, la mémoire du corps, la représentation en image et l’énoncé du langage dans une forme intelligible. Le présent de l’expérience intègre le passé et nous ouvre à l’avenir.

 

L’objectif de ce site est d’aborder la vie en couple ou son aspiration dans une approche systémique qui décloisonne les points de vue.

 

La compréhension des difficultés et les écueils qui guettent la vie en couple ainsi que les différentes approches pour dépasser ces difficultés et réussir sa vie de couple ne peuvent faire l’objet de recettes passe-partout. Chaque personne, chaque couple recèle en lui une histoire originale qui lui donne des ressources singulières à vivre.

 

Parler du couple, c’est parler de la famille, de l’arrivée d’un enfant. C’est aussi parler des rencontres éphémères, mais pas moins nourrissantes. C’est enfin parler sans détour de ce qui nous anime le plus et dont on parle ou partage le moins, de cette immense sujet encore si tabou, le sexe.

 

Vivre en couple, n’est-ce pas un des fondements de la société humaine, même si celui-ci a évolué dans le temps ?

Les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes ont toujours existés. Ils ont évolués en fonction des cultures. Les différentes formes de spiritualité ne devraient  pas s’opposer à cette profonde aspiration de la grande majorité des femmes et des hommes à se réjouir ensemble.

 

Le couple ne doit pas être enfermé dans un quelconque schéma de normalité. Celui-ci est fait de la rencontre de deux individus différents et complémentaires etdépasse largement les fondements de la seule identité sexuelle et biologique. L’hétérosexualité et l’homosexualité sont à considérer comme deux types d’orientation et de rencontre. Seul le bien être, l’acceptation de ce qui pousse en soi et l’interaction créative  avec l’autre sont à considérer.


Les sujets environnants la vie de couple sont nombreux. Je ne citerai  que les principaux :

 

  • C’est quoi l’amour ? La passion, le lien, le manque, la réjouissance, la compassion etc.

  • Les crises de couple, l’évolution du couple, les changements, la maladie, le vieillissement, les beaux-parents, le divorce etc.

  • Les enjeux inconscients de l’amour et de la sexualité.

  • La perte de désir, la jouissance, l’ajustement.

  • Les pratiques sexuelles, les dysfonctionnements sexuels (érection difficile, anorgasmie, douleurs, éjaculation prématurée etc.)

  • Les moteurs du désir, les préférences érotiques. L’orientation sexuelle. Comment retrouver le désir ?

  • La fonction des fantasmes dans l’amour et la sexualité. Est-ce que tout le monde a des fantasmes sexuels ? Faut-il les partager etc.

  • La sexualité des adolescents, l’éducation sexuelle.

  • La jalousie, l’infidélité, le libertinage.

  • Les addictions sexuelles.

  • Les fondements de la  pornographie, sa fonction.

  • Les fondements de la prostitution, sa fonction humaine et sociale.


Tous ces thèmes peuvent être approchés séparément. Pourtant nombreux de ces aspects de l’amour et de la sexualité sont interdépendants. C’est ainsi que certains dysfonctionnements sexuels vont agir sur la réjouissance qui elle-même va agir sur la perte de désir, qui va ainsi avoir des conséquences sur le quotidien du couple et modifier les équilibres familiaux.

On peut également y voir des liens avec la jalousie et l’infidélité. On peut faire aussi des liens avec les addictions.

Mais bien sur on peut inverser à loisir ces sujets et voir que le plus souvent l’insatisfaction sexuelle est un des facteurs prépondérant et toujours présent. On y retrouve toujours un va et vient entre l’angoisse, la culpabilité, le désir, le plaisir avec en arrière plan des pulsions qui nous dérangent et nous renvoie aux aspects les plus archaïque de notre personnalité psycho-sexuelle.

 

  L’approche du couple est complexe. Vivre le couple et vivre sa sexualité dépend de chacun, du moment de sa vie, de son histoire, de ses valeurs etc... Cela demande aux protagonistes du couple  le développement d’une conscience de soi sans cesse à renouveler, l’évolution des points de vue et le développement de ses propres ressources pour vivre une relation réjouissante. Les personnes en charge de la famille, les thérapeutes, les éducateurs, les  soignants doivent avoir des connaissances et une approche personnelle suffisante leur permettant de mieux s’ajuster à la diversité des demandes et des souffrances des personnes en couple ou aspirant à créer du lien. Il s’agit de reconnaitre la souffrance de beaucoup de personnes à vivre en couple ou par défaut à ne pas pouvoir vivre le coupleet d’y renoncer. Il s’agit de pouvoir y répondre sans démagogie et sans projection.


L’Institut Francophone de Psycho-Sexoanalyse, l’IFPSA se veut un des acteurs de soutien, de formation et de réflexion autour de la vaste problématique du couple.


Nous espérons que notre site engendra de nombreux questionnements auxquels nous essaierons de répondre, qu’il suscitera des contributions à la réflexion, qu’il donnera l’envie à beaucoup de personnes seules, en couple, en difficulté ou seulement en recherche d’épanouissement, de venir dans nos stages et qu’il éveillera de nombreuses vocations pour devenir psycho-sexothérapeute, métier passionnant, correspondant à de nouvelles nécessités.

La sexualité de l'homme : entre la maman et la putain

La complexité et la pluralité des sexualités de l’homme s’expriment aussi  bien dans les dysfonctionnements sexuels que nous rencontrons en sexologie que dans les problématiques des hommes vivants en couple. Les créations sexuelles des hommes ne sont pas fondamentalement différentes de celles des femmes. Elles ont pris racines dans la relation à la mère primaire dont il a fallu se défaire pour devenir un sujet sexué différencié.

Elles se différencient  essentiellement par les contre investissements du surmoi en lien avec la place de la femme dans la culture et dans la religion. Faire l’amour pour l’homme a toujours renforcé son narcissisme phallique. Aimer faire l’amour  place la femme dans une forme de dévalorisation narcissique associée à l’image de la putain en contradiction avec celle plus valorisante de la maman.

L’homme s’est ainsi retrouvé pris entre deux scènes opposées. Dans l’une, on trouve un machophallocrate qui vit sa sexualité dans le mépris et l’humiliation de la femme, la putain et dans l’autre, un bon père de famille, copain, pro-féministe, respectueux de la femme, la madone.

 

Le mot “ Putain ” désigne une femme capable d’être féminine, sexy et érotique. Elle sait être désirable et séduisante et ose montrer son envie. Elle recherche le plaisir autant pour le recevoir que pour le donner. La putain associée à l’image de la prostituée a de tout temps exercée une grande fascination chez l’homme. Elle est au centre des images pornographiques. Elle s’exprime également dans les violences  sexuelles presque exclusivement le fait des hommes.

L’attraction et l’emprise de la femme sur l’homme ont fait qu’il a dû se protéger d’elle en la diabolisant. Il lui a opposé  l’image de la pureté de la madone et  du sacrifice de la femme qui enfante dans la douleur.  Cette image   renvoie à la sainte vierge et au cliché de la mère de famille parfaite, excellente et indispensable. La madone peut tout contrôler, dominer et diriger, tout en culpabilisant son entourage et  en se prenant souvent pour une victime.

La libération sexuelle de la femme dans nos sociétés occidentales a changé la donne. L’évolution actuelle est difficile à saisir, mais elle va dans le sens d’une moindre différence dans les comportements sexuels. Néanmoins, les déterminants biologiques du désir font que la sexualité de l’homme restera probablement  toujours plus agressive.

 

Entre l’amour et la haine,

Dès la naissance l’enfant est en lutte entre deux forces contraires qui engendrent son angoisse.  Le désir de rester indifférencié à  la mère au risque de ne pas exister, et la nécessité  de s’individualiser au risque de se sentir menacé d’abandon et d’être insécurisé. La relation inscrite dans la présence maternante  de  la mère est érotisée. Pour calmer l’angoisse liée à ses absences, il crée un espace transitionnel dans lequel des fantasmes évoqués sont associés à des stimulations physique, engendrant des mouvements aussi bien tendres qu’hostiles.- fantasmes masturbatoires. Son monde interne se construit sur un mode clivé. Il éprouve de  l’amour lorsque son désir est satisfait. Il se sent détruit et ressent de la rage lorsque l’environnement n’est pas conforme à son désir.

Dans ce modèle simplifié, la présence d’une mère suffisamment bonne qui ne se laisse pas détruire par l’angoisse et l’hostilité de son bébé,  favorise l’intégration de la gratitude et de l’hostilité à la mère. Les représentations de cette dernière seront pour l’essentiel  plus ou moins refoulées sous la pression des différents processus éducatifs. Les affects hostiles resteront inscrits comme un proto-langage s’exprimant sur un mode préverbal dans la communication érotique. Cela va déterminer la  manière dont l’homme va gérer ses angoisses et sa capacité à les érotiser.

Dès les premiers mois de la vie, l’enfant est  en présence de l’ailleurs de la mère intéressée par un autre, le père et d’éventuels frères et sœurs.   Il renonce à son omnipotence  au profit de la toute puissance de la mère. Pour supporter l’angoisse, il se place dans une  position masochiste. « Si c’est son désir, c’est bon pour moi. »

Puis il subit l’épreuve de la différence des sexes et des exigences de la réalité. Il s’inscrit dans  le jeu des identifications croisées aux deux parents sexués. Il est confronté à une nouvelle castration en  renonçant à posséder sexuellement les parents. Ses constructions incestueuses imaginaires feront partie de ses proto-fantasmes faits de mouvements fusionnels et anti-fusionnels et s’intègreront plus tard dans les exigences sexuelles du  MOI.  Celles-ci permettront à l’homme de s’abandonner à des expériences de possession, de perte, d’effacement des limites et à la jouissance sexuelle.

 

L’identité sexuelle du garçon…

Pour intégrer les schémas socioculturels  de la masculinité, le garçon doit se défaire de la féminité primaire rencontrée dans l’expérience de maternage avec maman. Pour cela il  doit changer d’objet d’identification et s’éloigner de la mère en mettant  à l’écart ses besoins fusionnels. L’acquisition de l’identité de genre serait donc plus difficile chez le garçon. Il  n’est pas du même sexe que sa mère. En se différenciant et en  s’éloignant d’elle, il s’expose aux  anxiétés d’abandon, en restant trop proche il se sent englouti et ne peut accéder à la masculinité. De là s’inscrit en lui le complexe fusionnel, anti-fusionnel basé sur le clivage amour haine. On le  retrouve dans la dualité sexuelle de l’homme faite de l’attraction et du refus de la maman et de la putain.

A l’adolescence cette dualité se transfère sur la  femme aimée   et désirée. Les premières  expériences sexuelles viennent souvent  renforcer l’anxiété liée aux risques de la masculinité.  L’érection est insuffisante ou l’éjaculation est prématurée. L’angoisse liée au désir d’investir la femme peut alors être contrée par une masturbation très défensive. Pour le garçon investissant plus le pôle agressif,  la génitalité servirait à protéger et à affirmer son identité sexuelle masculine. L’intimité avec la femme lui fait courir le risque de rencontrer l’anxiété de ré engloutissement.  Ce qui explique que certains hommes ne parviennent pas à établir cette intimité affective.  En évitant  la fusion et la tendresse  associées à la féminisation,  l’homme à l’impression qu’il peut mieux  maîtriser  sa sexualité.

Mais elle s’expose à celle de la jeune femme, à son anxiété liée à la désirabilité et aux peurs profondes de se sentir objectivée et prise pour une putain. Toutefois, la gestion des besoins fusionnels semble moins ardue pour la fille. Ce qui explique qu’en général, les femmes s’engagent avec plus d’aisance que les hommes dans un rapport d’intimité affective. Mais confondue à la mère, elles ne peuvent advenir à leur propre jouissance de femme nécessaire à l’accueil de l’agressivité phallique de l’homme.

 

La femme est diabolique.

La domination de l’homme présente dans la plupart des sociétés renvoie à la nécessaire fonction phallique paternelle qui permet de séparer l’enfant de la mère pour sociabiliser l’enfant. L’amant de jouissance vient aussi en position de tiers séparateur pour arracher la femme à sa relation archaïque à la mère, condition pour qu’elle accède à sa  sexualité de femelle.

La division de la femme aurait été renforcée par le patriarcat qui réside dans le désir de l’homme de transmettre ses biens et le fruit de son travail à ses fils naturels et légitimes. Cela a donné naissance à une organisation socio-économique où la femme trouvait d’abord sa place comme objet de reproduction ou comme objet de satisfaction des besoins sexuels de l’homme. La femme perçue comme objet sexuel était associée à la prostitution et la mère au mariage. Ce double  statut a amené l’homme à vouloir la posséder, l’exploiter, la contrôler. Il lui fallait absolument contrer les risques d’infidélité, au risque de lui faire perdre sa désirabilité. Les positions de l’église ont amplifié le clivage et nourri  la méfiance, allant jusqu’à décréter que le sexe de la femme était dangereux et maléfique. La femme par son sexe basé sur le plaisir pouvait posséder l’homme et lui faire perdre tout contrôle sur la chair. Elle devient diabolique. Le sexe incarné par Eve est coupable, punissable, méprisable. La femme  pouvait ainsi servir d’exutoire à la haine de l’homme rejoignant celle éprouvée par la castration à la mère.

 

Ma mère n’est pas une putain.

Les tabous autour de la sexualité font que la mère dans sa parure de madone ne se présente  pas à l’enfant comme une femelle qui a fait et fait l’amour avec un autre. Celui-ci n’associe pas la procréation au plaisir de sa mère.

La plupart des patients,  rencontrés en thérapie, ont du mal à pouvoir imaginer leur mère faire l’amour. Ils ne savent rien de sa sexualité plaisir. L’imaginer dans cette position de jouissance les dérange profondément.

L’enfant découvre, parfois très tard, que sa mère  a fait l’amour pour qu’il puisse naître à la vie. L’amour, au sens du coït, est associé aux ébats corporels de nature animale et triviale. Il découvre la sexualité dans le secret angoissant. C’est  propice à toutes les créations imaginaires, souvent excitantes, fascinantes et inquiétantes, parfois même dégoutantes.

Il recherche plus tard une femme digne comme sa mère, en mesure de lui faire des enfants parfaits.  L’investissement d’objet apparenté à une putain s’oppose fondamentalement à la pureté morale de la mère. Cette opposition puissante  fonde la fantasmatique de l’homme. Elle est au cœur de sa sexualité.

Je revois l’exemple de cet homme qui vivait sa mère comme une sainte, mère qui a eu 9 enfants. Il avait dit à sa femme « si tu veux être heureuse avec moi, tu dois aimer ma mère ». Il a choisi une femme  frigide ayant peur de la sexualité. Il a assumé pendant 20 ans son rôle de père au prix d’une profonde frustration qu’il a compensé par de nombreuses maitresses.  Il respectait sa femme disait-il et pourtant il ne pouvait faire autrement que de la « baiser ».  Puis ils ont fait chambre à part. Cette période de sa vie a été dominée par  beaucoup de colère et d’angoisse.

 

L’infidélité activateur du désir.

Dans l’inconscient de l’homme il y a toujours un autre possible, réel ou imaginaire qui donne à la femme sa force d’attraction et active le désir. La femme  séduisante est  susceptible d’être convoitée par d’autres. Elle est potentiellement infidèle, l’infidélité étant de tout temps associée à la putain. La femme  fidèle, bonne épouse et  mère de ses enfants perd son pouvoir d’attraction. La jalousie de l’homme repose sur l’angoisse de la perte de l’objet aimé et désiré, mais aussi sur l’attraction répulsion représentée par le rival. A la source, le rival du même sexe, le père ou le frère, est devenu plus ou moins le premier objet d’amour homosexuel. L’homosexualité latente sera souvent présente dans la fantasmatique de l’homme.

La jalousie est un des moteurs de la passion amoureuse. L’homme découvre partout des amants. Pour calmer sa douleur jalouse, il fait des enfants et se rassure. Il transforme sa femme en mère au foyer. Perdant ses pouvoirs de femme, elle revêt alors  ses attributs de madone, une façon d’exprimer  son hostilité en se  désinvestissant de la sexualité.

Je rencontre des hommes qui ont perdu tout désir sexuel pour leur femme. Visionner des films pornos ou engager  des liaisons virtuelles  avec « ces salopes » rencontrées sur internet mobilise leur désir sexuel. Faire l’amour avec leur femme qui n’aimerait pas suffisamment le sexe n’est plus suffisant.

D’autres hommes s’organisent discrètement des soirées en club libertin où ils peuvent mettre parfois leurs fantasmes en actes. Beaucoup  en rêve seulement. Des femmes qui ont  découvert que leur mari regardait  des films pornos ou entretenait  des échanges virtuels avec des femmes sur internet ont été très blessées.

Par exemple, une femme n’aimait pas faire l’amour. Elle est très belle. Après une longue période de désinvestissement total de la sexualité, elle surprend son mari sur internet engagé dans un dialogue avec des femmes qui le font sexuellement rêver. Passé le temps de la colère, elle s’engage avec lui dans un travail de psychothérapie de couple pour ne pas le perdre. Plus tard en découvrant sa fantasmatique profonde, elle reprend contact avec « la putain » et reprend goût à l’érotisme et à l’amour, son mari aussi.

 

L’hyper sexualisation de l’homme.

L’hyper sexualisation de certains hommes s’oppose  le plus souvent à la sexualité de la femme. « Il a trop de désir » disent-elles. Elles estiment que le trop de désir a tué leur désir. L’agressivité de la demande sexuelle des hommes engendre des réactions comme : « Il fait l’amour sans me respecter », « il ne prend pas  le temps des préliminaires. » Pour l’homme, amener sa femme à la jouissance représente un double triomphe. Cela répond à la frigidité supposée de la mère et à la prise de pouvoir sur  le rival. Plus elle jouit moins elle ira voir un autre et plus elle sera convoitée comme une femme jouissive. L’enjeu entraîne souvent  des comportements envahissants et d’urgence. La putain agit comme moteur de son impatience en réaction à la madone primitive et à l’impuissance psychique face au rival. L’agressivité que cela révèle fait que l’homme  érotise  plus facilement l’hostilité présente dans  la sexualité. Alors que la femme a le plus souvent besoin de contacter le lien fusionnel et la tendresse pour accueillir l’hostilité de l’homme. Cette généralité  est souvent  nuancée par la clinique.

La position plus passive et masochiste de la femme recouvre souvent une agressivité latente. En se sentant sécurisée par la complicité avec l’homme, elle peut plus facilement être active et laisser vivre son agressivité. L’homme  ne pouvant s’investir dans une intimité avec sa femme, se heurtera au refus de celle-ci à être objectivée. Il ne peut ni assumer, encore moins exprimer ses désirs coupables dans la relation. Ses comportements sont ambivalents et muets comme ceux des parents.

 

La maman et la putain sont dissociées.

D’après Freud, les  courants  tendres et sensuels sont dissociés chez les hommes et plus associés chez les femmes. Pour l’homme il sera difficile de rencontrer ces deux courants chez une femme qui doit être l’épouse, la compagne, la mère des enfants et l’amante. Le clivage maman/putain pousse certains hommes à dissocier dans leur vie réelle l’épouse respectable et la femme objet de désirs, la maîtresse ou la prostituée.

Chez beaucoup de femmes ce clivage est insupportable. Chez elles l’amour est nécessaire pour accueillir les aspects transgressifs du désir et de l’excitation. Dans la passion amoureuse, l’homme et  la femme  peuvent faire vivre les deux courants. En l’absence des aspects fusionnels de la passion, la sexualité plus agressive est vécue comme une déchéance par la femme. Elle déserte alors la sexualité.

Je vois plusieurs hommes, qui après plusieurs années de passion, rencontrent des difficultés à installer ou à maintenir l’érection. La femme dans sa  demande de tendresse ne suscite pas l’excitation. Certaines se sont réfugiées dans des courants qui prônent la sexualité sacrée. L’homme se sent castré. La perte symbolique de l’érection de l’homme la blesse dans sa désirabilité et la conduit à la frigidité.

 

L’insatisfaction sexuelle est interactive.

La sexualité de l’homme se manifeste selon  le cycle de la réponse sexuelle : désir du désir sexuel, mobilisation vers l’objet de désir, sexualisation de la rencontre, orgasme, résolution et retrait, puis  période réfractaire. Celle-ci sera marquée soit par une rupture de contact, soit par une continuité tendre animée par la gratitude de la jouissance. Les difficultés érectiles et l’éjaculation prématurée sont bien connues et marquent souvent une communication érotique discordante. J’insisterais particulièrement  sur deux étapes du cycle, celle de la résolution-satisfaction et la gestion de la période réfractaire.

La satisfaction sexuelle à la fin du cycle dépendra pour l’homme de sa propre jouissance suscitée par celle de la femme. Le rythme, l’intensité de l’excitation portés par la fantasmatique la plus souvent inconsciente de chacun devront suffisamment s’ajuster pour que la réponse sexuelle commune soit satisfaisante. L’insatisfaction de l’un rejaillira forcément sur l’insatisfaction de l’autre et induira de nouveaux comportements sexuels.

Par exemple si l’éjaculation de l’homme intervient trop vite, la femme sera insatisfaite. Si la femme ne jouit pas intensément, l’homme sera insatisfait. L’ajustement dépend aussi  du processus de satisfaction sexuelle de la partenaire et de la nature psychophysiologique de son orgasme. La sexualité ne sera réjouissante pour les partenaires que lorsque l’ajustement entre les partenaires permet la réalisation d’une sexualité satisfaisante pour les deux. Or dans les faits les insatisfactions des partenaires sont rarement dévoilées. Exprimer son insatisfaction peut  toucher  la fragilité narcissique de l’autre.

Il en est de même de l’interprétation des comportements au cours de la période réfractaire. L’homme après l’éjaculation perd souvent de son dynamisme et de sa présence au regard de sa partenaire. Ne pas gérer son rythme éjaculatoire est un risque pour le couple. Après l’amour, l’homme peut être amené à désinvestir l’intimité et l’érotisme relationnel du quotidien.  Ce qui engendre une profonde insatisfaction chez certaines femmes qui le feront payer à l’homme en se refusant à lui.

 

Désir et maternité.

La sexualité lorsqu’elle est associée au désir de procréation et de création d’une famille devient, le plus souvent, compliquée. La majorité des difficultés sexuelles et relationnelles rencontrées dans les couples commencent à partir de la grossesse du premier enfant. Le regard de l’homme sur sa femme change. Elle devient mère comme sa mère ou comme la mère de sa femme. Le corps change. Les moteurs de l’excitation sexuelle de l’homme se déplacent. Ce changement de regard de l’homme,  coupe la femme de sa représentation fantasmatique profonde de la « salope »  et l’inhibe sexuellement.  Ne se sentant plus désirable, cela renforce le processus de madonisation dans lequel l’investissement exclusivement maternel est privilégié. Pour l’homme,  la difficulté concomitante ou conséquente de la femme à exprimer son intérêt pour le sexe l’inhibe également. Les freins au désir engendrés durant la maternité peuvent s’inscrire  durablement dans la dynamique du couple. La femme continuera après la naissance à se réfugier dans le maternage et l’homme désinvestira le foyer envahi par trop de maternel. La sexualité restera le plus souvent défensive et s’éteindra peu à peu.

Pour l’homme, avoir un enfant peut réactiver le désir infantile du petit garçon pour  la mère, désir auquel il a dû  renoncer. Lorsque la désidentification avec la mère n’est pas suffisante l’arrivée d’un enfant est toujours une épreuve susceptible d’accentuer le clivage sur lequel repose sa sexualité.  L’homme aurait besoin  de dématernaliser la femme pour pouvoir la désirer. Dans les fantasmes sexuels des hommes, la mère et la femme ne cohabitent jamais. Les images de la féminité aiguisent les désirs sexuels, celles de la maternité les inhibent.

 

Les fantasmes de l’homme.

L’exploration des fantasmes sexuels montre  l’intérêt profond de l’homme comme de la femme pour une sexualité fantasmatiquement transgressive. Les fantasmes porteurs d’une forte excitation sexuelle font appel à une sexualité hors de la chambre et  à des tiers. Ils font le plus souvent apparaître une sexualité non conventionnelle où apparaissent des scènes faites de trio, de partouze, de voyeurisme, d’exhibitionnisme. L’exploration plus approfondie de la fantasmatique fait souvent  apparaître des scénarios dans lesquels s’expriment des pulsions  sadomasochistes.  Dans l’imaginaire de l’homme, son excitation sexuelle  est révélée par la jouissance de femmes qui s’abandonnent et se perdent dans une sexualité déshumanisante.

L’étude des scénarios érotiques montre que pour qu’il y ait excitation sexuelle, le metteur en scène est toujours dans une double position. L’homme est porté par ses pulsions et les représentations de lui-même, mais aussi par ses projections dans l’espace intérieur de la femme. On retrouve ainsi la nature toujours double du fantasme, de l’enfant avec la mère ou de l’adulte avec la femme.

Le fantasme inconscient ou conscient à travers des scénarios érotiques est toujours présent dans la sexualité de l’homme comme de la femme. Il repose sur le désir de réparation et le renversement des traumatismes vécus dans la dyade mère/enfant,  contrariée par la présence réelle, imaginaire ou symbolique du père.

Le caractère triomphant de l’excitation sexuelle générée par les scénarios fantasmatiques de l’adulte condense l’histoire personnelle du garçon dans ses découvertes de l’érotisme et de la sexualité.

Dans la fantasmatique de l’homme, la « putain » est perçue comme un animal sexuel permettant à l’homme d’exprimer  l’urgence et la violence de son désir. Il y accède en se déconnectant de la culpabilité à objectiver les femmes. Accolée au mépris, existe aussi l’idée de la séduction. La putain semble plus accessible comme source de rêves et de fantasmes érotiques. Elle se présente comme  une femme expérimentée et délurée, disposée à accomplir  des actes sexuels que l’on s’interdit de demander à son épouse ou à sa partenaire officielle. L’homme dans ses fantasmes domine la femme et répare ainsi la violence faite par la mère à l’omnipotence de l’enfant, en lui préférant un autre. Dans la réalité la femme reconnue comme une madone, lui fait perdre souvent sa toute puissance, en le renvoyant  profondément à l’impuissance psychique et érectile.

 

La violence sexuelle des hommes

Parler de la sexualité de l’homme amène à se questionner sur les violences sexuelles.  Dans un contexte de violence, les hommes sont soit envahis par leur fantasmes ou soit animés par des pulsions qui s’expriment dans l’acte en dehors de toutes formes de représentations.

La perversité sexuelle de l’homme passe souvent par la  relation incestuelle d’une mère avec son garçon. La relation est   narcissique. Le garçon est un objet fétiche investi comme une idole qui doit illuminer la vie de sa mère. Il  a pour mission de combler le vide intérieur de la mère désexualisée (désexualisation réelle  ou imaginée). Le père n’est pas reconnu dans sa fonction d’homme. Le garçon pris dans les mailles de la mère se perd dans des  fantasmes portés par  le désir de faire peau commune et le besoin de déchirure de cette peau ou de pénétrer, d’envahir, de faire effraction dans l’objet d’amour pouvant conduire à la passivité, à l’immersion, voir à la dissolution. Ces fantasmes sont au service de visées défensives puissantes. Le combat titanesque du moi contre la peur et la mort trouve son origine dans l’emprise incestuelle. De là éclate une « rage narcissique » s’exprimant comme une immense protestation à vouloir exister. Elle s’exprime  dans le passage à l’acte violent occultant la conscience fantasmatique. On entre dans la démesure sous l’effet d’une passion narcissique où l’autre n’est plus reconnu. L’acte dans le réel fait rupture avec la pensée. Il est proprement insensé.

Le problème de la limite dedans/dehors est illustré par le viol. Il faut un sujet à forme humaine à pénétrer. L’acte  est effectué sous l’emprise d’une exigence intérieure, automatique tandis que la conscience reste extérieure à ce qui se déroule. Le sexuel est au service de la violence par effraction de l’objet indispensable pour exister.

On est constamment à la limite du dedans et du dehors, dans l’indétermination entre fantasme, hallucination et perception. La mère est à l’intérieur du sujet. L’indifférenciation est  animée par un mouvement contradictoire de refus et d’incorporation de l’autre. On n’est pas encore dans le clivage entre la madone et l’anti-madone. Ce n’est pas d’angoisse de castration qu’il s’agit mais d’angoisse d’inexistence.

Dans la clinique on rencontre des défenses contre ces risques hallucinatoires. Ils se traduisent  dans des formes d’impuissance à vivre ou à investir sexuellement la femme. La peur inconsciente d’être un violeur ou de prendre la femme comme une putain obère le désir et l’agressivité sexuelle.

 

L’homme en couple  sous l’emprise de la madone.

Dans la dynamique d’un couple, l’homme fusionnel et peu agressif sexuellement a souvent une fonction rassurante au début de la relation. Après quelques temps, les femmes détectant les anxiétés d’abandon de leur partenaire éteignent  leurs propres pulsions sexuelles, leurs fantasmes et leur créativité érotique, par loyauté pour celui-ci. Le manque de masculinité du mari ne leur permet pas d’assumer leur propre besoins anti-fusionnels, de peur de se percevoir dans leur propre regard et le sien, comme une putain. Le désir est affecté. Le conjoint fusionnel devenant inquiet du manque d’enthousiasme de  sa partenaire, intensifie ses avances sexuelles. L’anxiété liée à la non reconnaissance de sa masculinité est amplifiée. Elle engendre le plus souvent une réactivité sexuelle maladroite ou la perte de son désir. Le message capté par la femme est que le sexe est susceptible d’entacher l’amour. La femme étouffe ses désirs de femme  et déplace alors sa libido sur ses enfants en se réfugiant dans son rôle de mère, endroit où elle peut exercer un pouvoir sans limite. La castration exercée par la femme qui se dérobe au désir de l’homme  tend soit à l’infantiliser un peu plus soit à engendrer une violence intérieure réactualisant celle qu’il a connu et étouffé avec la mère. Elle peut s’exprimer  dans la colère ou la violence conjugale. Mais après que la femme ait assumé ses devoir de mère, la putain peut resurgir, mais rarement  avec le mari disqualifié dans son rôle d’homme. Elle rencontrera peut-être un amant de jouissance qui lui révélera son potentiel. Sinon la sexualité lui deviendra inaccessible et étrange.

 

La putain et l’actrice porno. Dans les fantasmes de l’homme, l’image de la putain est étroitement associée à celle de la prostituée. Dans la prostitution, il n’existe aucune attente. Les hommes sont libres d’aller leur chemin après avoir payé. Il n’existe aucun investissement émotionnel et aucun lien.

L’homme se réfugie souvent dans des offres sexuelles codifiées représentatives de la « putain ». L’actrice porno, comme la prostituée le fascinent bien au-delà de l’offre. Elles resplendissent comme un mirage par leur disponibilité permanente et une profonde représentation de la transgression. L’image de la « putain » attire, mais  c’est d’abord parce que le sexe attire. Et si le sexe attire, c’est qu’il renvoie à un manque puissant, moteur du désir de l’homme.

 

Ni madone, ni putain.

Le rapport madone anti-madone dans les jeux de pouvoir du couple s’exprime de façon complexe. Les difficultés rencontrées montrent le caractère pernicieux d’un système à deux qui conduit à la  désexualisation de la relation. Elles s’accompagnent d’un climat d’angoisse, de somatisations diverses ou d’une desaffectisation de la relation. Les ajustements entre l’homme et la femme dépendent de leur complémentarité intrapsychique, s’exprimant dans un proto-langage discordant ou concordant, reposant sur une structure fantasmatique profonde et personnelle de chaque partenaire.

Les aspects discordants profonds sont souvent dépassés au début d’une relation. Avec le temps, ils envahissent la relation à l’insu des partenaires. Les crises sont alors inévitables. Pour déjouer  les pièges le couple devra se dévoiler, se parler afin d’instaurer une bonne complicité sexuelle nécessaire à la créativité.  Les ajustements passent par la création d’un espace fantasmatique commun, s’exprimant  par des jeux interactifs passifs, actifs entre  l’homme et la femme. Beaucoup d’hommes s’y refusent, ne voulant déroger aux rôles qu’ils ont introjectés depuis longtemps. Pourtant l’homme devra à la fois mobiliser son agressivité sexuelle et élargir ses plaisirs dans une passivité plus féminine. Les hommes pouvant avoir des fantasmes plus féminins de soumission et de désirabilité associés à des fantasmes plus masculins de domination bénéficient de multiples possibilités qu’offre une genralité  riche et complexe qui sort des schémas relatifs à la seule identité biologique. Cela  laisse un grand espace pour la créativité et l’ajustement avec une ou un partenaire, pour que vive une seule libido au service de la jouissance de chaque partenaire, devenant tantôt mâle, tantôt femelle...L’attractivité agressive de la putain est alors assumée et distanciée par les deux partenaires. L’accueil et la tendresse plus féminine sont dissociés des aspects régressifs du lien maternel.

L’équilibre  mobile entre l’agressivité phallique et  la désirabilité de l’un et de l’autre passe par la création d’un  « nous » érotique fait d’une fantasmatique concordante. Celui-ci dépend le plus souvent du dévoilement à l’autre de sa fantasmatique profonde et de l’élargissement de celle-ci à celle de l’autre.  La complicité érotique, qui en résulte, est alors propice  à la créativité sexuelle et relationnelle et  de surcroît à la gratitude.

Il va de soi, qu’aucun schéma ne peut définir une quelconque normalité sexuelle de l’homme. Seul une acceptation profonde de soi-même, dans ses préférences érotiques et ses pratiques sexuelles, et l’acceptation de l’autre,  vu comme un amplificateur de la jouissance, peut définir une certaine vision de la santé sexuelle. Elle s’inscrit toujours dans la qualité d’une relation.

 

Michel Bonhomme.

Humaniser et érotiser la violence du couple

L’expérience infantile fonde nos capacités relationnelles et sexuelles d’adulte. On retrouve dans l’expérience du bébé à la fois des bases communes à tout être humain et les facteurs de variation qui expliquent la grande diversité des comportements humains. La confrontation à la différence de l’autre, l’étranger, est source de violence. Tout se joue dans le tumulte de l’attraction vers la mère et la fureur de vivre qui tire l’enfant vers la séparation bruyante.

Sur la scène du couple on retrouve des partenaires qui se désirent, se déchirent, se fuient, se supplient. Les amoureux s’aiment, puis se détestent ou s’ignorent. L’enthousiasme et la spontanéité de la rencontre amoureuse se transforment en peur, en morosité et en devoir. Les rêves laissent place à la désillusion. Le désespoir s’installe. On rêve d’un autre. On le rencontre pour le perdre aussitôt. Le virtuel prend le dessus. Qu’il est difficile de se sentir heureux de façon durable !

 

Qu’en est-il de la dynamique profonde qui sous-tend l’aspiration à partager avec l’autre un quotidien ou des moments privilégiés ou à désirer un contact intime et sexuel ? Quelle est la place des difficultés sexuelles dans la problématique globale du couple ?
Le sujet de la sexualité reste une énigme et un immense tabou qu’il nous appartient de lever.

Comprendre Eros dans sa complexité, dans sa mobilité et dans ses motivations permet de mettre la juste distance pour qu’il ne soit plus le seul maître à bord. Il est si difficile de reconnaître que l’autre existe en face de soi, qu’il est indispensable à notre croissance. Il se situe dans notre monde externe et fait évoluer notre monde interne qui, sans ses sollicitations, resterait figé.
« Le paradoxe de la condition humaine, c’est qu’on ne devient soi-même que sous l’influence des autres. » Boris Cyrulnik 

 

 

Fragments de discours amoureux

 

« C’est difficile pour moi. Son manque de distance me blesse. Je me sens très attirée par lui. »

« J’ai envie de la toucher, de la caresser; J’ai l’impression qu’elle n'est pas là. »

« Il y a une partie de moi qui n’est pas là - J’ai pas envie d’être touchée - J’ai ressenti une violence extrême en moi. »

« Je sens sa demande comme une pression - J’ai envie de me refermer un peu plus. »

« Je suis parti, plongé dans un abîme d’incompréhension, Mon corps est tendu; Je respire mal. »

« Je me blottis contre lui, rassurée qu’il ne s’éloigne pas. »

« Quand je suis sous elle je me sens utilisé. »

« Je n’arrive pas à jouir dans la pénétration; comme si je n’y avais pas droit. »

« Je ne me supporte pas dessus - Me fantasmer comme une femme soumise par des hommes ça ne plaît pas ; Pourtant j’ai envie aussi de sentir l’homme dominant. »

« Je sens sa peur d’être rejeté et son besoin de me soumettre. J’ai besoin de sa reconnaissance. »

« Je sens sa peur de la femme et son envie de la soumettre tout en ayant besoin d’une maman. »

Ces joutes expriment des bouts d’histoires violentes enkystées dans l’ombre de chacun. Chacun dans sa différence met en mouvement la mémoire du corps de l’autre, ses fantasmes, et met en cause sa capacité à penser.

 

La dynamique sexuelle

 

Le comportement sexuel est animé par des forces multiples qui s’expriment par le désir, l’attirance, l’excitation corporelle. L’impulsion ou la motivation sexuelle est portée par des énergies dont la source profonde est difficilement reconnaissable. Cela dépasse la simple recherche d’une réparation narcissique, la reconstruction d’un lien perdu ou l’expression d’une identité de femme ou d’homme.
Il est aussi porté, et ce plus ou moins massivement, par l’envie, le désir de détruire, la nécessité de réparer les traumatismes de l’enfance, sexuels ou non sexuels, par la nécessité d’enfreindre l’interdit, de se confronter aux tabous, de baigner dans des espaces sans limite. Il nous est difficile d’admettre que la sexualité est porteuse d’une certaine dose d’hostilité, d’un besoin de réparation et qu’elle est un exutoire à la violence fondamentale de chaque être humain. « La perversion qui s’inscrit dans l’acte sexuel serait un des moteurs de la sexualité humaine », nous dit le psychanalyste Stoller. Le voyeurisme, l’exhibitionnisme, la soumission, la domination, le fétichisme impulseraient à notre insu notre élan vers l’autre.

Ces pulsions s’expriment en fait dans les moindres gestes des amants, maintiennent éveillés les corps, ordonnent sans mot les comportements. Parfois des mots plus doux sont là pour s’excuser de tant de trivialité dans les actes, de tant d’impudeur, voire de honte. Le décolleté qui suggère, le bas qui s’engouffre sur une cuisse coquine, la lingerie qui se cache pour mieux inspirer, les rêveries qui accompagnent un sourire, des seins qui chavirent, un sexe béant ou érigé vu ou imaginé, reflètent toutes ses pulsions qui ne laissent que peu de place à l’autre. Qu’est-ce qui fait que l’on est dans l’érotisme et pas dans la perversion ? Où est la frontière entre l’érotisme et la pornographie ? Qu’est-ce qui fait que l’on est dans l’amour et pas dans la violence exercée sur l’autre ?
La réponse est spécifique à chaque situation. Elle ne s’enferme pas dans des modèles, des théories. Elle ne peut que déboucher de la compréhension du système du couple fait de deux vécus infantiles. Cette complexité de la rencontre est source de confusion. Elle crée de la souffrance, de l’incompréhension. Elle ouvre à l’exacerbation de la violence. L’accordage entre deux formes sexuées est difficile. Lorsque le soir vous avez attendu en vain que le conjoint se rapproche de vous ou que vous êtes resté dans votre coin pour faire payer à l’autre ses comportements, vous n’êtes pas enclin le lendemain au dialogue ou à la complicité. On ne se parle plus ou si peu, on ne frôle plus. Les mots doux deviennent absents. L’agacement prédomine et envahit l’espace. L’autre devient affreux. « Elle n’est même plus belle. Son charme à lui a disparu ».
Le couple oscille entre le repli névrotique et la toute-puissance perverse.
La névrose et la perversion sont symptomatiques de nos conflits infantiles. Les régressions et les fixations, qui naissent de situations angoissantes, signent un retour à une étape infantile. Elles expriment des contenus psychiques qui se trouvent chez toutes les personnes. Comme le dit C.G. Jung « Les névrosés souffrent de ces mêmes complexes contre lesquels nous aussi, hommes sains, nous luttons. Il dépend de la relation des forces qui luttent entre elles, que le combat aboutisse à la santé, à la névrose ou à des productions surnormales de compensation. »
La perversion est à la base l’expression des instincts sexuels qui n’ont pas pu être endigués par les forces psychiques morales. Les conflits qui en résultent se manifestent de façon plus ou moins déguisée dans les rêves diurnes et nocturnes, dans les fantasmes sexuels. Ils sont aussi présents dans les comportements réactifs et violents ou dans le passage à l’acte déshumanisé où l’autre est perçu essentiellement comme un objet de plaisir ou de punition.
Pour que l’amour puisse perdurer, se bonnifier, se répandre entre deux êtres en recherche de complétude, il est nécessaire de se confronter à sa propre vie pulsionnelle, qui demande à être débusquée et domestiquée.
Les forces de l’ombre sont bien là. L’énergie considérable que mobilisent certains pour les occulter les empêche de s’abandonner dans les délices du plaisir. Les risques, la peur de l’agression, le refus d’une hostilité profonde envers l’autre ou de l’expression d’une forme de masochisme dans la sexualité ne permettent pas d’entrer dans un abandon propice à la jouissance et à la gratitude qu’elle engendre. Dans la sexualité, on ne doit pas confondre la libération des forces érotiques entre les partenaires avec les valeurs sociales qui, heureusement, mettent en avant l’égalité des sexes.

 

Le fantasme et les multiples facettes d’Eros.

 

« Ce n’est pas le savoir, mais l’imagination qui va au fond des choses » dit Georges Bataille.
Nos fantasmes agissent comme des freins ou des moteurs d’Eros. Rencontrer nos pulsions érotiques c’est s’ouvrir aux inépuisables constructions de l’esprit qui prend corps. Tous les goûts, toutes les odeurs peuvent être érotisés; de même la peau, la forme d’un visage, des yeux, des cheveux, des pieds. La créativité d’Eros est sans limite. L’exhibitionnisme des uns, le voyeurisme des autres, l’humiliation, la domination, les pulsions sadiques et masochistes, la sexualité à trois, qui renvoie à la scène primitive des parents, sont source d’excitation. Les débordements sexuels en tous genres peuvent exalter les amants autant que cela peut les amener à de l’incompréhension, les blesser et les éloigner durablement.
Que de tourments dans la solitude d’une chambre, à côté d’un autre étranger ou absent. Des images mentales troublantes, des représentations obscènes prennent toute la place sur l’écran de la conscience de la personne plongée dans sa solitude. Obsédés, les amants retournent l’énergie contre eux-mêmes en se maltraitant, calment par la masturbation, avec anxiété, leurs débordements, ou envahissent le partenaire de leur désir compulsif. Le désir est souvent refusé par l’autre. Il ne trouve pas de place dans son scénario.

Le fantasme partagé avec l’être aimé peut faire appel à la figure d’inconnus qui joueront le rôle des personnages manquant de l’histoire de l’enfant. Mais l’insécurité de l’un peut être telle qu’elle exclut toute forme de partage et de complicité autour des fantasmes. Le désir qui se dessine dans une rêverie érotique est très intime. L’excitation qui l’accompagne peut être insupportable pour l’autre. Il se sent exclu :
« S’il, ou elle m’aime, je suis la seule ou le seul qui puisse le, la rendre vivant(e). S’il ou elle m’aime, il sait ou elle sait ce qui bon pour moi. »
Il n’est pas facile de déconstruire l’idée magique de l’amour. L’insécurité qui pousse à la jalousie repose sur une image de soi défectueuse ou une identité sexuée fragile. Sa reconnaissance est nécessaire à l’ouverture à la vie à deux. Faire bouger en soi ce qui s’est enraciné depuis fort longtemps n’est pas facile. Comment se confronter aux peurs infantiles et retrouver une sécurité suffisante, nécessaire à l’expression de sa propre vitalité et à l’accueil de celle de l’autre ?
Le fantasme n’est pas le réel. Il appartient à chaque individu de s’aventurer là où il se trouvera en accord avec lui-même dans le plus profond respect de l’autre.
Dans le scénario fantasmatique, le metteur en scène se crée dans une illusion de victoire sur les traumas de la vie. La souffrance peut être érotisée. L’expérience traumatique qui nous tire en arrière devient excitante. L’abusé devient abuseur. La honte devient excitation. Il y a renversement des rôles. D’autres scénarios permettent au rêveur la restauration de l’identité de genre et du narcissisme endommagé. Le vide maternel ou paternel peut être érotiquement comblé. Le scénario peut permettre la revanche d’un des parents, à qui l’enfant s’est identifié. Quelle puissance ! La toute-puissance de l’imaginaire érotique n’a pas de limites. Pourquoi ne pas y puiser des ressources?

L’investigation du fantasme est une manière puissante et dynamique d’explorer les racines les plus profondes de son être sexué. La clinique montre que l’identité sexuelle fantasmatique et agissante des amants est beaucoup plus complexe, ambivalente, parfois confuse et déroutante que la seule biologie pourrait le laisser penser. Découvrir et investiguer nos préférences et nos scénarios érotiques inconnus, conduit à un élargissement de nos capacités relationnelles et sexuelles. Les liens avec l’histoire de l’enfant et de l’adolescent prennent forme. Le scénario peu à peu s’élargit, s’approfondit. Il condense la dynamique érotique de la personne. Il est une véritable source de vitalité. Contenu dans une conscience discernante et ouverte, il permet de retrouver la confiance en soi, relance la force de l’imaginaire et conduit à la réjouissance avec l’autre et à l’amour.
L’érotisation du réel est certainement un art qu’il faut exercer sans cesse. Le temps qui passe, l’habitude, ne sont pas propices au maintien des forces qui soutiennent Eros.

 

Se connaître pour rencontrer l’autre.

 

« Le changement apparaît lorsqu’un sujet devient ce qu’il est et cesse de vouloir devenir ce qu’il n’est pas. » A. Beisser.

Nos représentations de nous-même et du monde se constituent et se modèlent tout au long de la vie. Elles sont issues d’un soi corporel, d’un soi fantasmatique et d’un JE que l’on peut appeler le soi intelligible. Ce dernier est tellement agi par les empreintes corporelles et les fantasmes inconscients qu’il est, de fait, peu conscient de ce qui l’anime. Le JE conscient n’est-il pas souvent une illusion ? La parole qui l’exprime cherche à dire ce qui ne peut se dire.

Préserver ou dynamiser son couple, créer la vie à deux, cela s’apprend. C’est dans l’écoute des tensions du corps, par la conscience de notre propension à créer l’autre et dans l’engagement avec lui que l’on peut se rencontrer. Chaque relation doit trouver sa propre codification pour gérer l’ambivalence de l’amour et de la haine. Tous les couples sont différents. Deux individus, deux désirs, deux espaces psychiques uniques, en constante évolution, ne peuvent engendrer qu’une figure de couple qui ne ressemblera à aucune autre, et qui, parce qu’elle est vivante, ne cesse de se transformer.

Le seul fait de permettre à nos désirs inconscients d’émerger à la conscience, de les reconnaître, de leur donner du sens, de pouvoir les exprimer et de se sentir accueilli, est de nature à alléger leur caractère impératif et à favoriser leur maîtrise. Affirmer ses préférences tout en laissant de la place à celles de l’autre est nécessaire à la construction d’un NOUS. Le JEU favorise la distance, ouvre à l’humour, à la complicité, sur un fond réjouissant de liberté. C’est une façon de jouïr de la revanche prise sur tout ce qui a pu briser l’élan de nos désirs et de notre vitalité.

 

Faire vivre Eros.

 

C’est un vrai challenge quotidien que de faire vivre Eros. Oser la nouveauté est un remède contre l’ennui et un aiguilleur permanent de la vitalité.
C’est par l’accueil des forces de l’ombre, de leur gisement pulsionnel et de la violence qu’elles engendrent que nous pouvons nous confronter à la différence de l’autre et y trouver une source d’enrichissement et de créativité.
L’excitation sexuelle et l’amour ne sont pas sur le même registre. A ne pas les confondre, on leur permet de co-exister et souvent de se bonifier l’un, l’autre.
Dans le couple, sur la base d’une meilleure connaissance de soi, la personne peut reprendre la responsabilité de ses tensions, de son hostilité, de ses besoins, et suspendre ses jugements sur l’autre. Les désirs les plus obscurs, obscènes, vulgaires, violents et jouissifs, au sens plus commun, peuvent côtoyer les aspirations les plus humaines, les plus généreuses, les plus douces. C’est la voie de l’intégration des opposés.
« Notre civilisation qui prétend à une autre culture, rend en réalité la vie trop difficile à la plupart des individus et, par l’effroi de la réalité, provoque des névroses sans qu’elle ait rien à gagner à cet excès du refoulement sexuel. Ne négligeons pas tout à fait ce qu’il y d’animal dans notre nature. Notre idéal de civilisation n’exige pas qu’on renonce à la satisfaction de l’individu ». Cette phrase de Freud, issue des leçons sur la psychanalyse, dans le contexte culturel de son époque, prend tout son sens, aujourd’hui.
Humaniser et érotiser le couple pose la question fondamentale de l’amour. A la base l’amour est manque et frustration. Il se nourrit de l’autre, l’autre qui rend aimable, l’autre qui rassure, l’autre, source de plaisir. Aimer c’est une demande adressée à l’autre pour qu’il nous comble. Par la reconnaissance, l’acceptation et le partage de ce qui se joue pour chacun dans l’entre-deux du couple, la relation évolue vers une réjouissance à deux. Chacun affirme ses besoins et son plaisir et entend ceux de l’autre. L’intimité s’approfondit. Les partenaires deviennent complices. Dans une dynamique d’ajustement créatif, l’intelligence émotionnelle se développe. C’est elle qui nous relie à nous-même, à l’autre et au monde.

La communication érotique du couple

Vivre en couple dans la durée est une expérience difficile et passionnante. La passion amoureuse s’éteint ou se transforme pour parfois s’apaiser. De nombreux dysfonctionnements relationnels et sexuels apparaissent dont le plus répandu est la perte de désir d’un ou des deux partenaires. Elle s’accompagne de tensions, d’angoisse et d’incompréhension. Les comportements perdent de leur signification initiale. Les moteurs de l’érotisme ne sont plus activés. La communication érotique est interrompue.

En m’intéressant aux processus d’accordage primitif bébé-mère, j’ai pu mieux comprendre toutes les difficultés dans un couple à s’accorder durablement dans la sexualité. Des travaux comme ceux de Daniel  Stern ou de René Roussillon ont mis en exergue les difficultés d’accordage et les fluctuations importantes dans la relation première de l’enfant. L’expérience montre que les tâches premières de l’enfant vis-à-vis de sa mère est d’apprendre à se relier en s’érotisant, sans se confondre.  On est déjà au cœur des enjeux du couple. Rester soi-même, trouver du plaisir, tout en  se reliant à l’autre sans se confondre et se perdre. C’est l’enjeu majeur d’une relation amoureuse.

 

Prenons un exemple parmi tant d’autres.

Elle dit non, gentiment, à son mari qui lui demande de lui faire plaisir en s’habillant de manière plus sexy pour une soirée chez des amis. Elle est dans une phase d’affirmation de sa différence. Son mari, F, ressent  une tension  qui se traduit par un resserrement dans le plexus. Il sait que c’est le droit de sa compagne de dire non. Pourtant il ressent le besoin de se protéger.  Un mélange de tensions et de pensées parasites semble vouloir lui dire, « si elle ne veut pas me faire plaisir, c’est qu’elle ne m’aime pas ». Quelques minutes plus tard, elle lui présente un nouvel habit qu’elle s’est achetée. Il ne s’y intéresse pas. La tension monte en elle. Elle fait des efforts pour ne pas la montrer. L’angoisse l’envahie. Puis elle lui dit qu’elle n’est pas bien. F exprime sa difficulté à accepter son non. Ils se rapprochent et traduisent leur tension en excitation sexuelle et par  l’expression de fantasmes agressifs.  Ils éprouvent alors  une profonde gratitude.  La demande de F devient moins impérative. O peut l’accueillir comme un plaisir pour elle amplifié par le plaisir que cela occasionne chez lui. Cet exemple montre toute la complicité de la communication érotique.

Ce qui vient contrarier le désir de l’un met en tension l’autre et génère de l’angoisse qui doit être évacuée de soi. Deux voies s’offrent aux amants alors. Celle de la fermeture vis-à-vis de l’autre, fermeture qui n’est pas forcément consciente ou conflictuelle et celle de la créativité en faisant appel aux moteurs de l’érotisme qui visent à contrer l’angoisse en érotisant la situation.

 

La communication interpersonnelle et érotique.

La communication érotique est un ensemble de signes, de gestes, de dires, de comportements ou d’images qui suggèrent l’amour physique,  le suscitent, l’accompagnent et  amplifient l’excitation sexuelle et son  écoulement. L’érotisme est une sorte  d'affection des sens provoquée par la perception d'une autre personne réelle ou imaginaire.  Les situations qui érotisent une personne sont  une production de l’esprit  reliée au corps par l’imaginaire. L’érotisme est porté par  une pensée primitive de l’être humain qui a pris racine dans  la satisfaction trouvée dans la relation à la mère et dans le fantasme auto-érotique (fantasme masturbatoire)  qui lui  permet d’érotiser l’angoisse qui accompagne  la frustration et l’absence de l’objet de désir.

L’érotisme est aussi à craindre. « L’érotisme est un pouvoir sexuel sans bornes, illimité, démesuré, il faut le craindre » nous dit Sade. Il prend refuge  dans la transgression. Il nie l’impossible. C’est le triomphe du rêve.

Découvrir ses propres fantasmes, moteurs de l’érotisme,  est l'une des bases de la connaissance de soi. Ils nous parlent de notre vitalité. Ils s’opposent à la pulsion de mort qui invite à se retirer de la vie.  Pour Georges Bataille, l'érotisme fait peur parce qu'il excelle dans l'excès, s'épanouit dans la surabondance et l'illimité. Il élève l'instinct au rang d'un art d'aimer, et donc de vivre.  Il invite à la rencontre de l’autre, comme dans une danse à deux où le pas de l’un rencontre le pas de l’autre. Dans le couple, de nombreux écueils viennent interrompre la danse. La dépression érotique prend le dessus.

La perte de désir est rarement une problématique purement sexuelle. Elle est essentiellement relationnelle. Des femmes ou des hommes s’étonnent souvent dans le cadre de la thérapie qu’ils aient pu passer d’un stade « de bête de sexe » à des situations de désintérêt sexuel avec le même partenaire. Les piments du désir et de la jouissance ont disparu de la relation. Le manque et la frustration ont renversé peu à peu la dynamique du désir en sentiment d’angoisse lié à des poussées émotionnelles non conscientisées.

 

Le fantasme proche de la nature biologique de l’être humain.

Le premier niveau de transformation de ce qui est rencontré dans l’expérience psychique est le niveau du corps. Si les comportements de l’autre sont inattendus, incompréhensibles car inconnus en soi, le corps est mis en sur tension. La surexcitation se traduit par de l’angoisse, de la colère ou des manifestations somatiques. Si le désir de l’autre entre dans son propre désir, le corps s’érotise dans une mise en expansion.

Le second niveau  est celui de l’image ou du fantasme. Le fantasme opère un retournement triomphant de nos angoisses existentielles. A la source, on retrouve l’enfant confronté à  un ailleurs de la mère. Il prend plus tard conscience qu’il n’est qu’un seul sexe. Son désir pour le parent du sexe opposé au sien est interdit. La mégalomanie de l’enfant tout puissant est mise à mal.  Dans le scénario fantasmatique d’une personne, elle est le metteur en scène et se crée dans une illusion de victoire sur les traumas de la vie. La souffrance peut être érotisée. L’abusé devient abuseur. La honte devient excitation. Il y a renversement des rôles. D’autres scénarios permettent au rêveur la restauration de l’identité de genre et du narcissisme endommagé. Le vide maternel ou paternel peut être érotiquement comblé. Quelle puissance ! La toute-puissance de l’imaginaire érotique n’a pas de limites. Elle agit sur le corps en restaurant la continuité des désirs. Pourquoi ne pas y puiser des ressources?

Le fantasme agit hors de la conscience. Dès qu’il apparait sous la forme d’images érotiques, il est mentalisé. S’il débouche sur une succession d’images reliées entre elles, il devient un scénario érotique. La  mise en mots du fantasme lui fait perdre de sa toute puissance. Le metteur en scène s’entend le décrire. Il le distancie. La conscience crée un espace tampon entre le metteur en scène et le scénario qui se déroule. Il  peut devenir alors maître du jeu. Il peut prendre  conscience que c’est  lui qui est mis en scène,  jouant tous les personnages fait de lui-même et la projection de lui-même dans le désir de l’autre.

Le troisième niveau de transformation de l’existant est  la mise en langage de ce qui apparait. Le langage introduit à la culture, à la vie en société régie par des codes de communication faits pour se comprendre et pour partager l’expérience vécue. Mais entre le désir, dans sa toute puissance, qui veut s’affranchir de toute règle et la société qui borne les activités du groupe, tout un déploiement d’énergie apparait. Elle se situe entre l’interdit et la transgression de celui-ci, entre l’intensité de vivre qui flirte avec le refus de vivre, entre la quête des plaisirs charnels et leurs débordements et la répression de tout débordement qui mettrait en danger l’ordre établi.  Que de paradoxes?

 

L’hostilité, la déshumanisation et l’animalité  au cœur de l’érotisme.

Dans les scénarios sexuels des patients qui laissent vivre suffisamment  leur imaginaire érotique,  on retrouve  l’humiliation comme  thème principal.  Elle exprime le  caractère animal et dérangeant de la sexualité. Elle fait appel à un autre registre que celui de l’intelligible, de l’ordre et de la bienséance. Elle est sous-tendue par l’ombre de soi-même qui demande à être identifiée et acceptée. Rencontrer les parties de soi qui dérangent c’est contacter sa vitalité. Mais la conscience doit être en mesure de maintenir une juste distance avec ce qui pousse en soi et la réalité.  L’image doit pouvoir être pensée et s’offrir  au discernement.

Le fantasme a une valeur symbolique. Il s’est forgé sur le roc du biologique en fonction  de l’histoire de chacun.

« Ce n’est pas le savoir, mais l’imagination qui va au fond des choses » dit Georges Bataille.

L'hypothèse de Stoller est  que les menus détails du scénario qui sous-tendent l’excitation sont censés reproduire et compenser les traumatismes et frustrations de la vie. Ils ont  pour origine  les rabaissements subis  dans  l’enfance et l’injure faite à la toute puissance infantile par les processus éducatifs.

L’excitation est le résultat immédiat de fantasmes conscients et inconscients. Le  scénario sexuel qui l’accompagne, fait de plusieurs scènes, exprime les fantasmes originaires dans  une forme condensée des événements de la vie du rêveur. Il s’est constamment remanié durant toute une vie. A la base, on trouve les premières empreintes perceptives et relationnelles entre le nourrisson et sa mère. Elles se  différencient des processus d’acquisition ordinaire en ce qu’elles sont produites très précocement, peu après la naissance. Elles sont stables et ont des effets à long terme.

L’autre ne fait que solliciter la fantasmatique profonde en soi et sa nature perverse. On est au cœur de l’érotisme.

Lorsque l’on parle de perversion, on signifie que les qualités humaines ont disparus et  qu’il y a déshumanisation. Les scènes d’une  femme prise par plusieurs hommes excités ou faisant l’amour à un animal présentent des aspects que la conscience refuse. Mais l’être humain a cette qualité de pouvoir se représenter et d’imaginer ce qui se joue en lui tout en conservant un degré d’empathie avec l’autre. L’autre, dans la perversion impulsée par des fantasmes, est en quelque sorte fétichisé. Les corps sont magnifiques, les sexes puissants. La réalité est tout autre. Elle est faite d’imperfections. L’empathie de chaque partenaire est nécessaire. Elle met en résonnance ses propres imperfections avec celles de l’autre.  Elle  favorise le va et vient entre le fantasme et la réalité. Elle confère aux aspects fétichisés de l’autre des qualités humaines. Celles-ci sont partiellement ou momentanément atténuées. Mais elles sont là dans l’acte sexuel  toujours prêtes à revenir en figure à la conscience.

La fétichisation des corps s’oppose au temps qui fait son œuvre. Les corps changent et vieillissent et font violence au désir. Par exemple, les transformations corporelles au cours de la grossesse modifient les facteurs de l’attractivité érotique et suscitent souvent des angoisses qui ne peuvent s’érotiser. Dans la communication du couple, les changements corporels sont l’objet de beaucoup de non-dits. « Il a pris du ventre et je ne le supporte plus. Je suis attiré par des femmes plus jeunes » disent certains patients et patientes.  La pérennité de l’excitation sexuelle dans le  couple dépend de la capacité des partenaires à s’ouvrir à  d’autres facteurs d’excitations disponibles en eux pouvant se substituer ou élargir ceux  des premières rencontres.  L’élargissement fantasmatique est une des réponses.

 

La séduction narcissique motrice et ciment de la rencontre.

La toute puissance  narcissique et donc fantasmatique qui nie la castration, la mort, l’imperfection, la solitude et la responsabilité se heurte à la réalité qui pose les limites. L’angoisse issue de ces antagonismes  a besoin d’être érotisée dans des activités  auto-érotique, la masturbation ou par  l’érotisation de soi avec l’autre. Dans leur dynamique de réparation,  les fantasmes fusionnels et les fantasmes anti-fusionnels cherchent à créer l’unisson et à restaurer la toute puissance primitive. Les forces d’attraction visant à incorporer l’autre se confrontent à la fusion impossible. Cela  engendre  des forces de répulsion, animées  d’une forme d’hostilité qui se traduit par de l’excitation sexuelle.  « J’ai envie de te baiser, de te pénétrer, j’ai envie de t’absorber, j’ai envie de te faire mal, je t’aime ».

Le narcissisme tend à gommer l’autre dans sa différence. La sexualité vise à combler l’écart entre le fantasme et la réalité. Le  fantasme  en contact avec l’autre réel, l’autre différent  est générateur d’excitation - angoisse ou excitation sexuelle. Ces deux formes d’expression cohabitent plus ou moins intensément jusqu’à leur dissipation dans la décharge finale, aboutissant à l’insatisfaction ou à la jouissance profonde.

La relation narcissique lorsqu’elle se dépose pour laisser l’autre apparaître dans sa différence donne un  sentiment profond et informel de connivence avec cet autre, l’amoureux. Elle se joue sur un fond de séduction narcissique qui vise à établir une entité commune où chacun se reconnait positivement dans l’autre.

 

Le cycle de la sexualité engendré par l’autre.

Dans le cycle de la sexualité, l’histoire qui se condense dans le scénario érotique active différemment les différentes phases du cycle sexuel : le désir du désir, le désir sexuel, l’engagement et la prise de risque avec l’autre, l’érotisation partagée, l’orgasme, le retrait et la résolution de l’expérience. Par exemple le désir de désirer sera peut être porté par une scène d’amour  idéalisée  construite  sur le manque. Des représentations multiples et personnelles  peuvent jouer cette fonction d’activateur de l’érotisation.  L’idée d’une  femelle douce ou endiablée peut créer un vrai désir de rencontre et une empathie avec le désir de cet autre. L’engagement peut passer par une phase d’excitation où les regards s’échangent et se prolongent par des caresses apaisantes. D’autres fois et pour d’autres,  des mots plus crus seront le starter d’une mise en route sexuelle. Des images de sexes  les accompagnent. Il n’est point besoin  de les regarder pour se les représenter. Dans les échanges buccaux d’autres images peuvent s’immiscer dans la profonde sensation d’être en contact avec le plus intime. Le fantasme est inconscient, préconscient ou conscient. Mais il est bien là. La pénétration prendra des formes différentes. L’homme dessus qui empoigne les fesses de sa femme à pleines mains  fait qu’elle se sent prise dans son fantasme comme une putain.  En levrette, la femme se ressent comme une chienne. Elle peut être  soumise au sadisme de l’homme. Il la prend sans égard. Il se fait du bien. Toutes les séquences fantasmatiques peuvent s’inverser ou se compléter à volonté en fonction de la richesse fantasmatique issue de l’histoire de chacun.

Par exemple,  une femme cherchait sa satisfaction et aspirait à l’orgasme avec son compagnon. Son homme lui dit : « Je te vois en train de faire l’amour avec un autre homme, tandis que d’autres te regardent en se masturbant. Ils éjaculent tous ensemble sur toi. » Les impressions suscitées par le fantasme de son  compagnon entraine la femme dans un orgasme tonitruant. Son orgasme active alors une profonde jouissance de l’homme. L’idée même de la scène dans une situation de moindre excitation aurait  confronté la femme  au réel, pouvant aller activer plutôt un sentiment de dégout. Le dégout flirte ainsi avec l’excitation. Son dépassement  a conduit les amants à la réjouissance. Pour d’autres cela aurait engendré du rejet. Au moment de l’orgasme, l’homme  qui visualise sa femme en train de se faire prendre  fond de plaisir. Elle les a mis à sa merci. Elle est puissante.

Les affects qui accompagnent l’image sont très clairs dans leur dynamique. Le désir d’être désirable, de voir, de dominer, d’être bestial, de transgresser les limites, d’être les deux sexes, de jouir avec un représentant de son propre sexe, de partouzer, de vivre l’inceste sont quelques uns des  principes  que l’on rencontre. Les agencements et les passages d’une image à une autre  sont signifiants. Que les acteurs vivent les séquences sur un mode conscient ou inconscient, dévoilé ou  partagé, l’interaction fantasmatique dynamique  avec l’autre est essentielle.  Si les énergies,  qui portent la sexualité ne sont  pas en phase, le cycle sera  interrompu par un des partenaires ou par les deux. Si un seul interrompt le cycle et que l’autre le poursuit, il y a violence. Le cycle ne se bouclera pas. Le prochain aura du mal à s’enclencher. La proximité de l’angoisse et de la jouissance explique la fragilité de la communication érotique. La confusion entre le réel et le fantasme l’amplifie.

 

L’accordage érotique est relationnel.

La relation existe dans une dynamique de champ dans lequel l’essentiel de l’expérience est la conséquence des actions de l’autre et où les facteurs affectifs et érotiques sont indissociables. Les  échanges primitifs avec la mère dans une relation donnée avec un autre présent le père, ont constitués une matrice relationnelle et sexuelle qui a intégré dans ses multiples remaniements tous les événements marquants ou répétitifs affectifs et érotiques de la vie de chaque personne.

L’autre dans le fantasme n’existe pas. Il n’est que le reflet des désirs profonds du metteur en scène. Dans l’érotisme l’autre entre dans le scénario qu’il interprète positivement. L’excitation sexuelle et la jouissance de l’un se nourrissent de la jouissance de l’autre et réciproquement.

Les besoins sexuels et affectifs des partenaires  vont structurer la relation. Ils vont cimenter les liens interpersonnels et s’inscrire dans une dynamique intersubjective du couple. L’inconfort, la frustration dans le cycle de la sexualité, le manque dans la communication érotique vont être autant structurant que les moments pleins ou la satiété sexuelle est atteinte. Les conduites vont être répétées, amplifiées, avec des variations  appropriées ou stéréotypées. Chaque rencontre vise le plaisir et l’apaisement. Une série de rites incomplets, interrompus et inefficaces n’apaise pas les partenaires. Ils vont peu à peu saper le désir et donner place à cette violence de désirer un autre inatteignable et générateur de déplaisir.

On peut extraire dans chacune des relations des invariants fondamentaux qui définissent un soi relationnel et sexuel de l’un et l’autre constitutif d’un nous propre à chaque couple. La gamme optimale d’excitation de l’un dépend d’une gamme optimale de stimulation venant de l’autre et réciproquement. Il s’agit de reconnaitre en soi les gammes d’excitation et les signes venant de l’autre la stimulant. L’autre est un activateur et un  régulateur de soi engendrant une création mutuelle du NOUS.

On peut parler d’un Soi-Autre qui repose sur l’attachement qui ne peut être différencié du soi-plaisir. L’autre est indispensable dans la régulation de la sécurité interne permettant de s’engager dans le plaisir.

Etre caressé ne suscite pas forcément  l’envie de caresses et de caresser. L’autre réel et les signes qu’il offre ne doivent pas  être trop différent de l’autre fantasmé.  Le fantasme associé à l’étreinte avec un partenaire donné crée la perception de cette même étreinte. Si la caresse de l’un n’est pas suivie par une caresse de l’autre, une expression nouvelle et positive du visage ou un son qui acquiesce que c’est bon, l’amant peut être déstabilisé. Les signes l’affectent directement, l’anxiété prend le pas sur l’excitation sexuelle. Un nouvel équilibre est à trouver, sinon le cycle sera interrompu ou saboté. L’amant pourra se précipiter uniquement et rapidement sur la décharge sexuelle pour contrer l’angoisse ou être dépassé par une éjaculation prématurée. Il pourra aussi se démobiliser  et se replier dans sa bulle narcissique et par la répétition de ce type de phénomène désinvestir érotiquement la relation. Le processus de  désengagement et de démobilisation agit de façon similaire chez l’autre partenaire. Le désengagement peut être uniquement affectif ou sexuel ou les deux.

L’imbrication des accordages passe inaperçue. Pourtant les accordages sont permanents. Ils visent à rendre cohérents les gestes, les signes et leur signification pour tendre vers la rencontre des désirs dans une signification commune.

Ce n’est pas le comportement qui est porteur de sens mais l’état émotionnel projeté ou partagé qui accompagne le comportement.  L’accordage affectif et érotique n’est pas une forme d’imitation de l’autre. Il est bien ajustement et création à partir de deux états émotionnels qui s’amplifient et se complètent.

Dans la communication érotique et affective il y a contagion d’affects. L’affect est induit par ce que l’autre laisse apparaître à la vue, à l’audition et au toucher et à ce que la personne est disposée à percevoir et par les significations conscientes ou inconscientes qu’elle leurs donne, significations déjà existantes en soi mais seulement sollicitées par les signes donnés.

La communication affective et la communication érotique sont deux formes particulières de l’intersubjectivité. La communication érotique est indissociable de la communication affective. Ce qui les détermine c’est l’accordage entre les amants.

 

A la recherche d’un NOUS fantasmatique.

En résumé la sexualité est en lien avec le vécu primitif de la personne. Elle met en jeu les empreintes et les habilités corporelles et relationnelles. Elle fait appel aux fantasmes soutenant toute construction érotique, les préférences érotiques et le rapport à l’autre. Leur forme d’expression et les interactions avec l’autre détermineront l’excitation sexuelle. En effet dans le processus  d’enclenchement et de résolution du cycle sexuel, la fantasmatique et les  constructions érotiques sont interactives et s’inscrivent forcément dans la relation, spécifique à chaque moment du couple. L’érotisation d’une personne   ne sera pas pareille dans un contexte familial, extraconjugal, après un premier enfant ou après dix années passées ensemble. Elle dépendra, bien sûr,  de l’humeur et du contexte du jour et de l’évolution des comportements du partenaire.   Certes la structure fantasmatique bouge peu, mais elle subit des remaniements dans le temps en fonction des expériences vécues, du partenaire actuel et d’un élargissement possible  aux aspects les plus profonds de son être érotique.

L’exploration  fantasmatique est à la fois personnelle et intersubjective. Dans l’accompagnement thérapeutique du couple, c’est un travail de co-construction à deux et à trois. L’imaginaire  ne demande, le plus souvent,  qu’à s’exprimer. C’est une question d’autorisation. Lorsque la personne dépasse la culpabilité qui freine son imagination et prend conscience que l’imaginaire érotique n’est  pas la réalité, elle peut partir à la rencontre de ses constructions érotiques profondes. Dans un premier temps elle  restera en surface. Les idées actuelles, les préjugés sur la sexualité en général et sur sa propre sexualité demandent à être regardés. Le récit des découvertes  et des vécus  sexuels de la personne n’est pas sans importance.  Mais l’histoire de la personne s’exprime dans les modalités de son excitation sexuelle, dans la  façon dont elle s’érotise avec le partenaire et la manière dont elle érotise sa  vie.

L’exploration fantasmatique est d’abord une recherche sur le soi- sexué en relation. La présence, l’écoute et l’engagement du thérapeute ou du partenaire lui donne une dimension intersubjective. Parler  à un autre, de ce qui s’anime en soi par l’image sexuelle est  source de beaucoup d’affects, parfois d’inhibition. L’exploration fantasmatique se situe forcément dans un contexte transférentiel. « J’ai honte, je ne peux pas vous le dire » ont pu me dire certains patients. D’autres  se bloquent dans leur narration, il n’y a plus d’image, ni même de pensée. Les pleurs suivent parfois.  Parler de son intimité à un homme plutôt qu’à une femme thérapeute changera fondamentalement le contexte. La dimension contre-transférentielle est à considérer. Si le thérapeute n’est pas au clair sur sa propre sexualité, sa propre  vision du couple, sur son  ouverture aux autres points de vue, le questionnement co-constructif sera biaisé.

Dans l’exploration, peu à peu, les réseaux de surfaces se fissurent  pour laisser émerger la dimension plus profonde de la dynamique sexuelle. Des scénarios érotiques  émergent les aspects  agressifs  et transgressifs de la sexualité. L’art du thérapeute c’est de permettre  par son  accompagnement la navigation entre les réseaux plus profond et les réseaux de surface, les réseaux affectifs et les réseaux agressifs. Le caractère érogène, anxieux voir angoissant  ou sans affect de ce qui s’exprime sera  autant signifiant que ce qui se dit. L’exploration est progressive. Elle  doit tenir compte des défenses de la personne et du sens qu’elle peut  mettre sur sa propre fantasmatique.

 

L’exploration fantasmatique en couple.

Il ne suffit pas de connaître ses fantasmes, leur dynamique et d’approcher leur sens historique et conjoncturel pour être en mesure de vivre sa sexualité à deux. Le fantasme masque souvent une angoisse dont l’origine très ancienne est relationnelle.  Avec le partenaire, d’autres  enjeux sont sous-jacents. L’angoisse peut devenir dominante et submerger la personne. L’excès d’excitation peut se traduire par une mise en acte non ajustée à l’autre ou à une rupture de contact pour contrer le trop d’excitation. Celle-ci peut se déplacer sur d’autres objets ou intérêts et  se traduire par des représentations contraires de dégout, de pudeur et d’hostilité.

Le fantasme garde, s’il n’est pas distancié, son caractère narcissique de base. Le refus ou le jugement présupposé du partenaire peut amplifier l’angoisse et engendrer une décharge non ajustée. Ce qui est imaginé de l’autre peut également conduire à la culpabilité et au repli sur soi. Replacer l’exploration fantasmatique dans ses aspects interactifs est alors important pour la bonne santé du couple. Le travail individuel en couple permet bien sûr de préparer le travail interactif du couple.

Il est surprenant de voir qu’une personne, dans le travail individuel, peut  exprimer un scénario érotique et ressentir de l’excitation, alors que le même fantasme perd de sa charge érotique ou engendre de l’angoisse en présence du partenaire. Il y a d’autres enjeux. Des blessures antérieures de petite fille ou de petit garçon, sont réactivées par le partenaire. Elles s’inscrivent  dans le  système relationnel et sexuel du couple.

Un  exemple peut venir éclairer mon propos. Violette et Georges ne faisaient plus l’amour depuis des années. Ils se sentaient très facilement excédés. Violette se plaignait du manque de préliminaire de son mari dans la sexualité. Les quelques fois où ils ont tenté  de faire l’amour, elle ne lubrifiait pas ou peu. Georges  estimait que quoique qu‘il fasse, elle n’était jamais satisfaite. Parmi tous ses désirs, il aurait tant aimé qu’elle lui fasse de temps en temps « une petite fellation ». Il s’exprimait avec beaucoup de pudeur.  Lors des premières séances thérapeutiques, il avait coupé tout désir et s’était réfugié dans la masturbation via internet.

Le dévoilement de leur fantasmatique a laissé apparaître des scénarios excitants en contradiction avec leur demande consciente. Violette se voyait dans des scènes à forte charge érotique où elle faisait l’amour avec plusieurs hommes inconnus dans des lieux incongrus. Ils se faisaient du bien avec elle. Elle était soumise. Georges se voyait en train de violenter une femme, la prendre par les cheveux et la forcer à mettre son sexe dans sa bouche. Ce fantasme en contradiction profond avec sa perception de l’amour lui a causé beaucoup d’émotion. Les comportements et le discours de l’un comme de l’autre autour de la sexualité entraient dans un double langage qui faisait violence à l’autre.

Les fantasmes ont été apprivoisés dans un travail individuel en couple. Le sens historique trouvé dans le vécu et la place qu’ils avaient dans la famille était devenu évident. Dans cette forme de travail, l’autre absent est toujours présent. Dans le travail de couple,  l’écoute empathique de l’autre  a permis de tendre vers une  fantasmatique commune plus large.  La sexualité a repris, dans un cadre codifié. Puis elle  a laissé place par la suite à beaucoup de fantaisie et permis d’explorer une créativité sexuelle qui s’est exprimée hors du champ sexuel habituel et limité.

La communication érotique dans le couple,  dépend, dans la durée, du dévoilement de la fantasmatique propre à chacun, de la capacité à la mettre en mot pour mieux la distancier et la mettre en résonnance avec celle de l’autre. Le dévoilement n’est pas toujours possible, tant il renvoie à des peurs et à une insécurité profonde. Mais s’il s’ouvre, l’espace fantasmatique de chacun s’élargit dans l’écoute de celui de l’autre pour créer ensemble, au fil des événements sexuels, un NOUS fantasmatique. La capacité à se réjouir à deux est un des enjeux de chaque  couple.

 

L’érotisme invite à la transgression, l’accordage érotique à la rencontre.

 

L’érotisme  invite à la transgression de l’esprit, au débordement des représentations associées à l’ordre social et  à ses limites pour créer des moments où le couple sort de la fermeture et de la discontinuité, pour se rencontrer profondément. Les moments érotiques du couple ne vont pas de soi. Ils nécessitent la mobilisation d’une forme d’agressivité sexuelle et une attitude active des amants capable de prendre la responsabilité de leur jouissance au sein du couple, de la susciter afin de trouver l’accordage érotique qui les transcende dans la réjouissance.  La créativité érotique du couple s’inscrit dans un discernement entre ce qui est du ressort de la liberté des  amants et  des limites du bien vivre en société. La liberté de chaque partenaire  s’arrête là où commence celle de cet  autre dont  nous avons tant besoin pour vivre.  En vivant des moments de continuité dans la réjouissance et la créativité, les amants  éprouvent un sentiment de  gratitude,  propice au sentiment d’amour.

 

Michel Bonhomme